Biocénoses des fonds durs du bathyal et de l'abyssal - Méditerranée occidentale

Publié le 19 mai 2020 — Modifié le 26 mai 2020

Caractéristiques et état écologique - Méditerranée occidentale / État biologique / Caractéristiques biologiques - biocénoses

Biocénoses des fonds durs du bathyal et de l'abyssal

Auteurs : Marie-Claire Fabri, Laura Pedel (Ifremer La Seyne sur Mer). Avec la participation de Stéphane Sartoretto (Ifremer Toulon), Jean Vacelet (CNRS & Université de Marseille), Nardo Vicente (IMBE Université Paul Cézanne).

Sur les substrats durs vit essentiellement de la faune fixée. Si les dragues à roches permettent de récolter des blocs qui sont parfois recouverts de faune fixée encroûtante, en revanche, aucun moyen de prélèvement classique – chalut, carottier ou drague – ne permet de prélever sur de la roche en place, prévenant ainsi toute étude des espèces fixées sur celle-ci.

Il a donc fallu attendre que les développements technologiques – bathyscaphes, sous-marins et robots – permettent aux scientifiques d’accéder au monde sous-marin profond pour que l’étude de ces écosystèmes soit rendue possible. Cependant, même avec des moyens sous-marins, les prélèvements sur substrats durs restent difficiles, voire impossibles. Les moyens vidéo sous-marins sont donc le seul outil disponible pour étudier la faune fixée. Or, les zones bathyales et abyssales sont aphotiques, un éclairage est donc indispensable, ce qui entraîne des contraintes technologiques particulières et influe sur la qualité des images.

L’information sur la faune est enregistrée sur des films vidéo dont le cadrage est variable selon l’objectif scientifique de la plongée. L’information est figée sur des vidéos enregistrées à un moment donné, dans des conditions données. Ainsi la couverture vidéo peut varier d’une plongée à une autre selon le but recherché par les scientifiques au moment de l’enregistrement : ainsi, on peut avoir une exploration avec une grande couverture vidéo mais la caméra qui bouge de gauche à droite ou de bas en haut, ou une très faible couverture vidéo mais des zooms pour faciliter la reconnaissance faunistique, des transects vidéo avec focale constante dédiés à la mesure des densités, etc. Ces différents types de films fournissent ainsi des données plus ou moins exploitables qui ne se prêtent pas aux mêmes types d’analyses (taxinomie, distribution, densité, etc.). La qualité des enregistrements vidéo progresse constamment, cependant la reconnaissance des organismes peu connus nécessite tout de même des prélèvements pour confirmation. La faune de substrats durs est donc encore peu connue. L’ensemble des enregistrements vidéo à disposition des scientifiques ne représente qu’une infime partie des substrats durs existants.

Dans la sous-région marine les substrats durs sont majoritairement localisés dans les canyons sous-marins. Les pentes continentales sont en effet entaillées par des canyons qui se sont formés au cours de la crise de salinité messinienne alors que la Méditerranée était presque asséchée. Les rivières ont creusé leurs lits à l’air libre, puis, le niveau de la mer remontant en raison d’une entrée d’eau atlantique par le détroit de Gibraltar, les canyons se sont trouvés immergés.

Certains canyons sont encore actifs, c’est à dire connectés à une rivière, alors que d’autres ne le sont plus. Certains d’entre eux sont envasés et d’autres présentent la roche à nu ou presque. Ces roches nues sont recouvertes par une faune fixée dès que les conditions nutritives et hydrodynamiques le permettent. Ainsi les phénomènes hydrologiques tels que les upwellings ou le cascading (courants descendants riches en apports organiques terrigènes) favorisent l’installation de certaines espèces dans les structures accidentées que sont les canyons. C’est ainsi qu’une faune fixée parfois de grande taille – gorgones et coraux, par exemple – s’installe sur les roches affleurant dans les canyons. Elle est visible sur les vidéos sous-marines récentes et la répartition de certaines communautés bathyales a pu être décrite dans le cadre de l’état initial. Il existe aussi une faune fixée de petite taille difficilement visible sur les vidéos, mais visible à l’œil nu dans les prélèvements. Elle est soit épibionte de la faune de plus grande taille (nudibranches, gastéropodes ou polychètes vivant sur les gorgones et coraux), soit encroûtante (éponges, ascidies, bryozoaires). Elle peut être prélevée par hasard sur des organismes de plus grande taille, ou sur des blocs rocheux. Dans cette contribution, les termes « communauté » et « biocénose » sont considérés comme synonymes.