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Biocénoses des fonds meubles du circalittoral
Auteurs : Service du Patrimoine Naturel (Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris). Avec la participation de Denise Bellan-Santini et Gérard Bellan (Aix-Marseille université−CNRS/Centre d’océanologie de Marseille), ainsi que de Thierry Thibaut (université Nice Sophia Antipolis, Nice).
L’étage circalittoral s’étend depuis la limite inférieure de survie des phanérogames marines – ou des algues photophiles – jusqu’à la profondeur extrême compatible avec la végétation des algues les plus tolérantes aux faibles éclairements – c’est-à-dire des algues sciaphiles.
Il faut préciser que la présence d’algues n’est nullement obligatoire dans les divers biotopes circalittoraux. Sur les côtes françaises méditerranéennes, on peut considérer que cet étage se rencontre, sauf exceptions – delta du Rhône, par exemple –, entre 30−35 m de profondeur et le rebord du plateau continental (100−120 m).
Dans cet étage, la granulométrie du sédiment s’échelonne d’un sable coquillier plus ou moins colmaté par de la vase jusqu’à une vase pure, en fonction de la profondeur, de la topographie de la côte, de l’exposition de cette dernière aux vents dominants et aux courants ainsi qu’aux apports fluviatiles.
En règle générale, les apports sédimentaires introduits par les fleuves côtiers, majoritairement fins en ce qui concerne l’étage circalittoral, se déposent suivant les charges apportées et l’hydrodynamisme prévalant à un endroit donné. La sédimentation vaseuse n’est donc pas corrélée directement avec la distance à la côte et la profondeur. Cette sédimentation est maximale au droit de l’embouchure des fleuves côtiers les plus importants, le Rhône en premier et d’autres, tels l’Orb et le Var. Il en résulte que la majeure partie du plateau continental inclus dans cet étage à l’est du Rhône est dominée par la biocénose du détritique côtier (DC) et la biocénose des fonds détritiques du large (DL). Par contre, à l’ouest du Rhône, la biocénose des vases terrigènes côtières (VTC) et à un moindre degré la biocénose des fonds détritiques envasés (DE) recouvrent l’essentiel de ce plateau continental. On observe souvent, notamment à l’est du Rhône, le passage des différents faciès de la VTC à la DE puis au à la DC. Ces changements progressifs dans l’espace, voire dans le temps, n’empêchent pas l’individualisation des biocénoses.
Dans son ensemble, cet étage est très exposé aux activités anthropiques. Parmi les plus importantes, il faut citer les rejets des collecteurs d’eaux usées des agglomérations de toutes tailles. Ces rejets sont effectués soit sans traitement – ce qui est de plus en plus rare –, soit avec un traitement plus ou moins poussé. Le rejet à la mer peut se faire directement à la côte – comme par exemple à Marseille – ou en profondeur, très variable, par l’intermédiaire d’une conduite sous-marine plus ou moins longue et se terminant dans les habitats les plus divers. Ce sont ces rejets qui semblent avoir le plus d’impact sur les habitats circalittoraux méditerranéens. Un grand nombre de travaux scientifiques leur ont été consacrés au cours des quatre décennies antérieures, notamment en région PACA. Ces rejets provoquent des altérations massives des habitats marins circalittoraux, selon des modalités relativement identiques, mais dont l’ampleur varie en fonction de la qualité et du volume des rejets eux-mêmes. Dans une première phase, on observe la réduction quantitative des espèces les plus caractéristiques des biocénoses concernées, puis la disparition de la plupart d’entre elles. Finalement, on constate qu’elles ne représentent plus que de 3 à 15 % des espèces présentes et de 3 à 10 % des individus. Elles sont remplacées par un mélange d’éléments faunistiques d’origine et de signification diverses : le plus souvent il s’agit d’espèces rencontrées dans l’ensemble des substrats meubles circalittoraux, voire infralittoraux, exigeant ou tolérant la plupart du temps des sédiments fins et supportant un certain taux de polluants. Il s’ensuit un brouillage des biocénoses et une homogénéisation sur de grandes surfaces de peuplements relativement monotones, marquant une déstructuration spatio-temporelle progressive des unités de peuplement. Cette uniformisation des peuplements est due à la prolifération d’un petit nombre d’espèces qui tendent à monopoliser le maximum d’espace, voire de ressources. Parmi ces espèces, on citera pour la région marseillaise les mollusques bivalves Myrtea spinifera, Corbula gibba, Thyasira flexuosa, un annélide polychète du genre Lysidice, rapporté en son temps à L. hebes, les annélides polychètes Protodorvillea kefersteini et Spio multioculata. S’y ajoutent, moins abondantes, des espèces largement réparties dans les sédiments meubles circalittoraux. Les fonds de décantation, liés à un hydrodynamisme particulier, servent de « tête de pont » à la progression de la contamination et à la dégradation des peuplements de baie à baie, contribuant ainsi à l’accroissement des zones impactées. Les observations issues de ces travaux ont permis, progressivement, la mise en œuvre de stratégies qui permettent la réhabilitation de ces aires impactées, avec un retour progressif, fut-il long, à un meilleur état du milieu. Il n’en demeure pas moins que l’on ne peut espérer un retour aux conditions d’un état pro ante, car les rejets ont nécessairement conduit à une modification du biotope d’origine, par accroissement généralisé de la fraction fine du sédiment.
On ajoutera les rejets de dragages des ports, en principe très contrôlés, notamment quant au point de rejet, ainsi que les chalutages – extrêmement destructeurs des fonds marins, en particulier du fait de leur répétitivité –, qui, en Méditerranée, ne peuvent se faire, sauf dérogation, qu’au-delà de 3 milles nautiques.
Cependant, l’état de conservation des habitats de cet étage n’a pas été évalué dans le cadre de l’évaluation biogéographique DHFF, car les fonds meubles circalittoraux ne sont pas pris en compte par cette directive. Ils le sont dans le cadre de la convention de Barcelone, dans laquelle, notamment, au sein de la DC, l’association à Laminaria rodriguezii et le faciès à grands bryozoaires sont considérés comme prioritaires.