Analyse économique et sociale de l'utilisation de nos eaux marines et du coût de la dégradation du milieu marin - Manche - Mer du Nord / Coût de la dégradation du milieu
Coût liés à l'eutrophisation
Auteurs : Olivier Guyader, Céline Jacob (Ifremer, Brest).
L’eutrophisation est la modification et la dégradation du milieu aquatique liées à un apport excessif de matières nutritives assimilables par les algues. Pour le milieu littoral, les principaux nutriments à l’origine de ce phénomène sont l’azote et, dans une moindre mesure, le phosphore.
Ainsi, un excès de ces nutriments introduits dans la mer par les activités humaines peut accélérer la croissance algale et accroître la production de biomasse végétale, entrainant des effets néfastes sur la qualité de l’eau et l’écologie marine. Il s’agit d’un problème qui affecte principalement les zones côtières et les zones à faible échange d’eau. L’excès de nutriments provient de deux sources majeures : (1) les fleuves recueillant des rejets directs à partir de sources ponctuelles telles que les industries et les collectivités et des apports diffus provenant de l’agriculture, et (2) les retombées atmosphériques en azote. Les apports en phosphore, nettement réduits ces dernières décennies, ne sont aujourd’hui plus considérés comme problématiques pour le milieu marin, sauf exception.
L’eutrophisation entraîne la prolifération de deux types d’algues :
les macroalgues opportunistes, et en particulier les ulves, qui sont à l’origine du phénomène des « marées vertes » ;
les microalgues (phytoplancton) parmi lesquelles les microalgues toxiques (produisant des « phycotoxines »). Les seules microalgues toxiques pour lesquelles le lien entre l’eutrophisation et la prolifération est avéré sont celles du genre Alexandrium, qui produisent des toxines paralysantes PSP (source : Ifremer).
La Bretagne est la région la plus touchée par les proliférations de macroalgues. Les lieux d’échouage les plus importants d’ulves sont les communes de Saint-Michel-en-Grève (grève de Saint-Michel et baie de Lannion) et d’Hillion (baie de Saint-Brieuc). Depuis une dizaine d’années, les proliférations et échouages d’algues vertes touchent aussi la Basse-Normandie, dans une ampleur moindre que les marées vertes bretonnes (secteurs de Granville, Grandcamp-Maisy et Côte de Nacre). Le long des côtes normandes, picardes et du Nord-Pas-de-Calais, ce sont plutôt des proliférations de microalgues dues à l’eutrophisation qui sont observées. Cependant, historiquement, la principale zone touchée par les proliférations d’Alexandrium est la Bretagne nord.
Pour plus de précisions, voir la contribution thématique sur l’eutrophisation, dans le volet « pressions-impacts » de l’évaluation initiale.
Différents types de coûts sont liés à l’eutrophisation :
1. En premier lieu, le phénomène d’eutrophisation entraîne des coûts de suivi et d’information, afin de tenter de comprendre le phénomène. On peut notamment souligner la mise en œuvre de plusieurs réseaux de suivi à différentes échelles :
- à l’échelle internationale : le programme OSPAR, qui réalise un état des lieux de l’eutrophisation des zones OSPAR ;
- à l’échelle nationale : le programme REPHY (réseau de surveillance du phytoplancton et des phycotoxines) opéré par l’Ifremer et les réseaux mis en œuvre au titre du programme de surveillance DCE, organisés en articulation avec le REPHY ;
- à l’échelle régionale : des réseaux financés par les Agences de l’eau et organisés en articulation avec le REPHY ;
- à l’échelle locale : un suivi dans le cadre des contrats de bassins versants « algues vertes » mis en œuvre en Bretagne.
À cela s’ajoute le coût des programmes de recherche (amélioration des connaissances).
2. En second lieu, des actions de prévention et d’évitement sont mises en œuvre, afin de limiter le phénomène. Ces actions visent les deux causes principales de l’eutrophisation (agriculture et rejets d’eaux usées).
Des contrats de bassins versants sont notamment mis en œuvre en Bretagne afin de lutter contre la prolifération d’algues vertes.
L’épuration des eaux usées urbaines et industrielles ainsi que le traitement des effluents d’élevage qui contribue à l’abattement d’azote et de phosphore sont également des éléments à prendre en compte dans les coûts de la prévention. Ces actions de prévention et d’évitement viennent en complément d’actions réglementaires (renforcement du programme d’actions Directive Nitrates, etc.).
3. Ces actions de prévention ne suffisent pas, à l’heure actuelle, à éliminer la prolifération d’ulves. Il est donc nécessaire de procéder, en plus, à des opérations de ramassage et de traitement des algues vertes. Il s’agit des coûts d’atténuation.
4. Enfin le suivi, la prévention et le ramassage des algues ne permettent pas de réduire le phénomène à un niveau qui supprimerait tout impact environnemental, social et économique. Un certain nombre d’impacts sont donc perceptibles, sur les écosystèmes, la société et l’économie, que l’on dénomme « résiduels » au sens où ils subsistent malgré les efforts des trois types précédents.