Coûts liés à la dégradation des ressources halieutiques - Manche - Mer du Nord

Publié le 11 mai 2020 — Modifié le 5 juin 2020

Analyse économique et sociale de l'utilisation de nos eaux marines et du coût de la dégradation du milieu marin - Manche - Mer du Nord / Coût de la dégradation du milieu

Coûts liés à la dégradation des ressources halieutiques

Auteurs : Olivier Guyader, Céline Jacob (Ifremer, Brest).

Les ressources halieutiques font l’objet de différents facteurs de dégradation, principalement du fait de l’exploitation directe par la pêche, mais également du fait de pressions exogènes causées par des modifications de l’environnement marin – altération d’habitats côtiers, espèces invasives, pollutions chimiques, changement climatique.

Ces autres pressions sont traitées dans des chapitres dédiés de l’analyse économique et sociale de la DCSMM et l’analyse porte ici uniquement sur la dégradation liée à l’exploitation par la pêche, qu’elle soit professionnelle ou récréative.

Les ressources biologiques exploitées par la pêche appartiennent à la catégorie économique des ressources communes, définie par la double caractéristique d’indivision d’une part et de soustractivité ou rivalité dans l’usage d’autre part. La caractéristique d’indivision des ressources exprime le fait que la ressource est difficilement appropriable avant son exploitation, ceci en raison de la mobilité des populations de poissons.

La soustractivité caractérise simplement le fait qu’un poisson capturé par un pêcheur ne peut pas l’être par un autre. En l’absence de régulation, cette caractéristique suscite ce que l’on appelle des effets externes négatifs croisés entre exploitants. Comme la capture d’un exploitant dépend de la production des autres, il peut en résulter une « course au poisson » et une tendance à la surcapacité, qui s’aggrave au fur et à mesure que le jeu combiné de la demande et du progrès technique accroît la pression de pêche sur les ressources. La surcapacité est à l’origine de problèmes économiques, notamment des pertes de revenus pour les pêcheurs et la société de manière plus générale, de conflits d’usage et de phénomènes de surexploitation lorsque la pression de pêche dépasse les capacités productives et reproductives des ressources halieutiques. L’état récent des ressources exploitées par les flottilles de pêche françaises a été présenté au regard des pressions exercées par la pêche dans le cadre des assises de la pêche de l’automne 2009.

Les mesures de gestion visent à éviter le problème de surcapacité et la dégradation des ressources halieutiques liée à la surexploitation. Cet effort a un coût pour les différents acteurs en charge de la gestion durable des pêcheries, et la DCSMM a prévu, dans le cadre de son programme de mesures à venir, de mener des analyses « coûts-bénéfices » et « coût-efficacité » des différentes mesures de gestion pouvant être mises en œuvre par rapport aux objectifs à atteindre. L’objectif de référence est actuellement de restaurer les stocks halieutiques à des niveaux permettant d’atteindre le Rendement Maximal Durable (RMD) à échéance 2015. Cet objectif a été adopté au niveau international en 2002 (Johannesbourg, plan d’action 31.a) et est désormais intégré dans le cadre de la Politique Commune de la Pêche (PCP).

L’atteinte de cet objectif doit également permettre, en mettant en œuvre les mesures appropriées, d’améliorer la situation économique du secteur et donc de réduire les pertes de richesses liées à la surexploitation des stocks et à la surcapacité des flottes.

Il s’agit dans le cadre de cette évaluation initiale de présenter les politiques actuelles – et les coûts associés – dont l’objectif est la gestion durable des pêcheries. Cette description suit le cadre méthodologique utilisé pour l’ensemble des thèmes de dégradation étudiés. Il est appliqué à la pêche de manière plus spécifique en suivant les référentiels internationaux [10]. Ce cadre vise à distinguer différents types de dépenses : les dépenses de coordination de la gestion des pêches, les dépenses relatives aux actions dites positives, visant à éviter la dégradation des ressources halieutiques, les dépenses d’atténuation des impacts de la dégradation pour les activités de pêche, et enfin les coûts pour la société (c’est-à-dire les pertes de bénéfices) liés à la dégradation, bien que l’on ne puisse pas à ce stade en fournir une évaluation monétaire. Ces pertes de bénéfices touchent les pêcheurs professionnels et de loisir (perte de bien-être) et concernent également les activités amont et aval, en particulier en termes d’effets indirects et d’emplois induits dans l’économie locale. Dans le cadre de cette analyse économique initiale, il n’a pas été possible de répartir les coûts par sous-région marine, à l’exception de certains éléments, en particulier sur les outils de gestion des pêches.

Avec des compétences partagées entre l’Union européenne (compétence de principe) et les États membres (compétences résiduelles ou de subsidiarité), la PCP et sa déclinaison à l’échelle française reposent sur quatre grands piliers : la politique de gestion des ressources halieutiques, la politique structurelle, l’organisation commune des marchés et les accords internationaux. Certains concours publics au secteur halieutique n’entrent donc pas directement dans le champ de l’analyse même si la question de leur impact sur la situation économique du secteur, l’évolution des capacités de pêche et la pression sur les ressources est posée depuis longtemps à l’échelle nationale comme internationale. Il s’agit en particulier des aides structurelles ou conjoncturelles ; de modernisation des navires de pêche (38,4 millions d’euros), de compensation de handicaps économiques liés à l’augmentation du prix du carburant (74 millions d’euros), de soutien aux équipements des infrastructures portuaires (14,6 millions d’euros) ou encore d’organisation et de régulation des marchés (13,6 millions d’euros) (budgets totaux : national et communautaire, MAP, 2008). Les concours publics à la protection sociale des marins-pêcheurs et des aquaculteurs financés sur le budget national s’élèvent à 665,4 millions d’euros en 2008. Les subventions à la construction des navires de pêche ont été interdites à l’échelle communautaire à partir de 2004.

L’année 2008 a été choisie comme référence dans cette analyse puisque les budgets de cette année représentent les derniers chiffres disponibles. Cette année semble représentative – il y a peu de variations inter-annuelles –, seules les dépenses liées aux sorties de flotte présentent des variabilités significatives, ainsi l’évolution des budgets des sorties de flottes entre 1991 et 2008 a été précisée.