Analyse économique et sociale de l'utilisation de nos eaux marines et du coût de la dégradation du milieu marin - Golfe de Gascogne / Coût de la dégradation du milieu
Coûts liés aux micropolluants
Auteurs : José A. Pérez Agúndez, Céline Jacob (Ifremer, Brest).
Les micropolluants sont des substances métalliques (arsenic, cadmium, chrome, cuivre, mercure, nickel, plomb, zinc) et organiques (pesticides, hydrocarbures aromatiques polycycliques, polychlorobiphényles, composés phénoliques chlorés ou non, organostanneux) qui entraînent des dégradations de l’environnement et l’érosion de la biodiversité en raison de leur toxicité au-delà d’un certain niveau de concentration.
Ces dégradations sont principalement la résultante de l’utilisation de ces substances par des activités industrielles et agricoles, qui en rejettent une partie vers le milieu naturel. D’autres contaminations chimiques d’origine domestique et agricole ont également des conséquences sur le milieu, mais leurs effets sont difficiles à appréhender. Leur présence dans l’environnement est mesurée par l’intermédiaire d’analyses sur des échantillons d’eau, de sédiments ou de matières en suspension et dans le biote.
Ce type de pollution génère des coûts de différentes natures, certains relèvent de dépenses d’ordre privé, selon le principe du pollueur payeur, et d’autres d’ordre public comme c’est le cas des subventions incitatives pour investir dans des technologies de traitement des résidus. En tenant compte de la segmentation des coûts de la dégradation des écosystèmes formulée dans l’approche méthodologique1 , on peut différencier les coûts suivants :
- Coûts de suivi et d’information : il s’agit des coûts liés au contrôle et au suivi des contaminants à la fois dans le milieu marin, mais aussi en amont dans les bassins versants. La présence ou absence de substances micropolluantes dans l’environnement est détectée par des analyses in situ d’échantillons d’eau, de mousses aquatiques, de matières en suspension ou des sédiments et d’organismes vivants. Il existe plusieurs réseaux de surveillance dont le Réseau d’Observation de la Contamination Chimique du milieu marin (ROCCH), le réseau de surveillance de la qualité des eaux et sédiments des ports maritimes (REPOM) et les réseaux de suivi des agences de l’eau dans le cadre de conventions internationales (OSPAR et Barcelone) et de la directive européenne Cadre sur l’Eau.Les résultats de l’étude mandatée par le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie (MEDDE) sur les coûts des suivis substances DCE micropolluants, en cours de validation à l’heure de la rédaction, ne sont pas renseignés dans cette section.
À ces réseaux, il faut ajouter les réseaux de suivi des boues de stations d’épuration avant leur valorisation et d’autres opérations de suivi assurées par les industriels eux-mêmes dans le cadre de la directive REACH.
Les sédiments issus du dragage des ports sont également suivis par les institutions de gestion des ports, ce qui engendre des coûts de contrôle et d’entreposage de boues en cas de très forte teneur en polluants chimiques. Le coût de suivi des boues de stations d’épuration n’a pas pu être renseigné, faute de coût moyen par volume de boues produit. Enfin, le coût de la recherche sur l’impact des micropolluants a été renseigné en ce qui concerne l’Ifremer.
Finalement, différents plans de suivi, d’évaluation et de gestion des risques liés à la contamination de l’environnement par les micropolluants ont été mis en place.
- Coûts des actions positives : les principales actions engendrant ce type de coûts concernent le traitement des eaux résiduelles industrielles. Les coûts associés à ces actions sont supportés par les industriels qui polluent, même si une partie est prise en charge par la société via les subventions attribuées par les agences de l’eau – voir par exemple le rapport « Opérations collectives visant la réduction de la pollution dispersée des PME/PMI » de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse. Par ailleurs, les collectivités locales prennent en charge la gestion des boues de STEP quand elles sont trop chargées en micropolluants. Enfin, le secteur agricole met en œuvre des actions dont l’objectif est la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires. Les coûts relatifs à ces actions n’ont pas pu être obtenus.
Il est important de noter que le rejet des eaux pluviales des communes littorales peut engendrer une pollution d’ordre bactériologique mais aussi en termes de micropolluants. Même si aucune réglementation n’impose des dispositifs spécifiques concernant la gestion des eaux pluviales (collecte, transport, stockage et traitement), celle-ci engendre des coûts non négligeables. Elle constitue un service public à caractère administratif relevant des communes (loi sur l’eau et les milieux aquatiques de décembre 2006). Au niveau communal et intercommunal, il est indispensable d’utiliser des outils réglementaires de l’aménagement pour maîtriser la gestion des eaux pluviales sur le territoire. Le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT), le Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) et les contrats de rivières représentent certains de ces outils. La commune peut également s’appuyer sur son règlement du service d’assainissement, mais surtout sur son Plan Local d’Urbanisme (PLU) et sur le zonage d’assainissement pluvial pour imposer des règles aux constructeurs et aménageurs publics ou privés pour la maîtrise des eaux pluviales, par exemple des zones de limitation de l’imperméabilisation et de maîtrise des eaux de ruissellement.
Les coûts liés à la gestion des eaux pluviales n’ont pas pu être rassemblés au vu de la multiplicité et de l’hétérogénéité des stratégies utilisées dans les différentes collectivités. Cependant, on peut citer l’opportunité pour les collectivités d’instaurer une taxe annuelle, dont le produit sera affecté au financement de cette gestion (Article 165 de la loi Grenelle 2).
- Coûts d’atténuation : il s’agit de toute démarche visant à réduire les effets de la pollution une fois que celle-ci s’est réellement produite. C’est donc en quelque sorte une décontamination de type ex-post. Il n’y a pas d’opération de nettoyage de la contamination chimique du milieu, et donc pas de coûts imputables à une dégradation environnementale associés à celles-ci. Seul le traitement des sédiments à terre peut réduire la charge de contamination émise par les activités polluantes. Néanmoins, les volumes à traiter lors d’un nettoyage à grande échelle et leurs coûts associés seraient démesurés.
- Coûts résiduels : les processus de traitement des résidus industriels ne permettent pas d’éliminer complètement les micropolluants déversés dans le milieu naturel. De ce fait, des substances toxiques se concentrent dans les cours d’eau et se déversent dans les eaux côtières, affectant négativement les écosystèmes côtiers. Les effets résiduels de ces polluants se traduisent par des processus de morbidité et de mortalité d’êtres vivants, qui induisent des pertes économiques lorsque ces ressources sont exploitées par des activités professionnelles, et par des pertes d’aménité lorsqu’elles sont exploitées par des activités récréatives. Malgré l’existence d’études sur les effets sur la biodiversité, peu d’évaluations des pertes économiques ont été menées. Les effets sur la santé humaine sont encore mal connus, mais des études récentes montrent une transmission certaine de micropolluants vers l’homme par l’ingestion de produits de la mer,les concentrations de produits toxiques étant plus élevées chez les consommateurs les plus assidus. Le référentiel implicitement utilisé pour qualifier un coût résiduel est celui d’absence de dommage, qui est lié au dépassement de seuils de tolérance considérés scientifiquement (ou parfois consensuellement) comme des limites de concentration de polluants tolérables ne mettant pas en danger la biodiversité et la santé humaine. Ces référentiels évoluent dans le temps, notamment à mesure des améliorations de la connaissance sur les effets des polluants et lorsque les sociétés se dotent de mesures de protection des écosystèmes plus sévères.