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Espèces non indigènes : vecteurs d'introduction et impacts
Auteurs : Frédéric Quemmerais-Amice (AAMP, Brest). Contributeurs et relecteurs scientifiques : Patrice Francour (Université de Nice-Sophia Antipolis), Daniel Masson (Ifremer, La Tremblade), Laurence Miossec (Ifremer, Nantes), Marc Verlaque (Université Aix-Marseille II).
La mer Méditerranée est l’une des régions du monde les plus touchées par les introductions d’espèces. Les espèces non indigènes y représentent entre 4 à 20 % de la diversité spécifique, selon le groupe taxonomique considéré [3]. Le canal de Suez a joué historiquement et joue encore un rôle majeur en tant que vecteur d’introduction. Les cultures marines et, tout spécialement en France, l’ostréiculture, ont également joué un rôle important. La période 1970 à 2000 a présenté un maximum historique d’introduction d’espèces marines non indigènes dans les eaux françaises méditerranéennes (figure 4).
Actuellement, à l’échelle française et mondiale, le rythme des introductions d’espèces reste soutenu. Cependant, malgré l’existence de nouvelles introductions régulièrement signalées, nous ne sommes sans doute plus dans une phase critique d’introduction. On peut penser que la majorité des espèces facilement transportables par le transport maritime l’ont déjà été entre le début du XIXe siècle et aujourd’hui. Ces espèces sont soit déjà naturalisées dans nos régions receveuses, soit ne survivent pas encore, car les conditions de transport et/ou les conditions environnementales de la région receveuse n’ont jusqu’à présent pas été favorables. Les introductions via le canal de Suez se poursuivent à un rythme élevé, probablement en raison de la disparition des barrières naturelles (eaux sursalées des lac Amers, eaux dessalées du delta du Nil) due à la circulation de l’eau dans le canal et à la construction du barrage d’Assouan.
Concernant les cultures marines, de nouvelles introductions sont régulièrement découvertes, bien que l’organisation actuelle de cette activité en France devrait limiter le rythme d’introduction. Par contre, de nouvelles vagues d’introductions sont à craindre dans le cas de reconstitution du cheptel à partir de stocks exotiques importés et dans le cas d’importations illicites. Depuis la fin du XIXe siècle, en Méditerranée, le nombre d’espèces introduites semble au moins doubler tous les 20 ans.
Enfin, il faut souligner que les vecteurs d’introduction des espèces non indigènes contribuent à disséminer ces espèces entre sous-régions marines et entre États, notamment européens. Il s’agit notamment du transport maritime, de la conchyliculture et de la plaisance. Les eaux de ballast et les transferts entre les différents bassins conchylicoles sont sans doute responsables de l’essentiel des disséminations. De plus, le changement climatique en marche, peut, dans certains cas, profiter aux espèces non indigènes en leur offrant des conditions plus propices à leur naturalisation et éventuellement à leur invasion.
Les modifications actuelles de la courantologie générale méditerranéenne vont modifier profondément les échanges entre les bassins oriental et occidental. Ces modifications courantologiques couplées aux changements climatiques vont sans doute faciliter la dissémination et la naturalisation des espèces Lessepsiennes en Méditerranée occidentale. Les captures de plusieurs dizaines d’individus du poisson d’origine Lessepsienne Fistularia commersonii, réalisées fin 2010 sur les côtes de la Corse, des Alpes-Maritimes et du Var, semblent confirmer ces prévisions.
Sur la base de ces considérations on peut faire l’hypothèse que nous allons vers une période d’impacts écologiques croissants et cumulatifs qui se manifesteront par des écosystèmes nouveaux ou au moins modifiés et dont les fonctionnements nouveaux auront de plus en plus d’incidences sur les activités humaines.