Pressions et impacts - Manche - Mer du Nord / Éléments de synthèse
Impacts cumulatifs et synergiques : l'exemple des mammifères marins
Auteurs : Caroline Kostecki et Olivier Le Pape (Agrocampus, Rennes). Avec la collaboration d’Anik Brind’Amour (Ifremer, Nantes).
On appellera « pression » un mécanisme par lequel une activité humaine déjà déployée dans la sous-région marine a un impact avéré, mais pas nécessairement quantifié, sur les individus ou les populations de mammifères marins.
En revanche, le terme « menace » sera réservé aux mécanismes attendus d’activités dont les effets ne sont pas encore démontrés. Les pressions et menaces qui concernent les mammifères marins sont multiples, ainsi que la nature et l’intensité de leurs effets avérés ou attendus.
Nous proposons de les classer en trois catégories déterminées selon les effets attendus. Les pressions et menaces primaires sont définies ici comme les mécanismes qui entraînent des mortalités additionnelles directes. Les pressions et menaces secondaires nuisent à l’état général des individus et génèrent ainsi des mortalités additionnelles indirectes par des pathologies opportunistes ou limitent les capacités reproductives. Enfin, les pressions et menaces tertiaires agissent sur la qualité des habitats et peuvent entraîner des perturbations des activités vitales ou des remaniements de la distribution des animaux vers des habitats ou vers d’autres régions moins favorables.
Dans la première catégorie peuvent être classées les mortalités par captures accidentelles dans les pêcheries, par emmêlement dans des engins de pêche perdus ou autres macro-déchets, par collision avec les navires, par piégeage dans des infrastructures immergées, par exposition à des sources sonores de fortes puissances ou par destruction volontaire.
La deuxième catégorie de pressions inclut principalement les contaminants transmis par voie alimentaire, qui peuvent perturber le système immunitaire ou agir sur la fertilité, et les modifications quantitatives et qualitatives des ressources alimentaires, sous l’influence de la surexploitation ou des changements climatiques, ainsi que le dérangement en général, dont la pollution sonore qui, par effet de masquage acoustique, nuit au succès alimentaire ou reproducteur, et les activités touristiques d’observation des mammifères marins.
La troisième catégorie de pressions inclut les modifications de disponibilité alimentaire, de qualité des habitats en lien avec le changement climatique et la pollution sonore, auxquelles s’ajoute le dérangement en général, qui inclut par exemple les activités touristiques d’observation des mammifères marins, ainsi que les phénomènes tempétueux qui peuvent avoir un impact non négligeable.
Ces listes ne sont pas limitatives. Des pressions multiples s’exercent simultanément et avec des intensités diverses et cumulatives, voire synergiques, sur les populations : les conséquences de l’action conjointe de plusieurs pressions peuvent être supérieures à la somme des conséquences de chaque pression prise isolément.
L’évaluation de l’impact des pressions et menaces primaires est assez directe et dépend largement de la capacité à estimer les mortalités additionnelles induites. Dans le cas des pressions et menaces secondaires, des analyses corrélatives démontrent leur existence, mais les capacités à évaluer leurs conséquences démographiques sont encore limitées. Toutefois, des modélisations individus-centrées permettent d’envisager l’estimation du coût démographique des charges en contaminants chez les petits cétacés. Enfin, l’existence de pressions et menaces tertiaires est également suggérée par l’observation, mais les relations causales et effets démographiques sont difficiles à quantifier.